Seize nouveaux cas d’Ebola en Guinée cette semaine, quinze en Sierra Leone : pour la deuxième semaine consécutive, le nombre de malades dans les deux pays a augmenté, annonce l’Organisation mondiale de la santé (OMS), preuve que le virus n’a pas encore disparu. Pour les associations humanitaires sur le terrain, il faut faire face à un obstacle tenace : la réticence de certains à être pris en charge par les structures hospitalières.
Face à un virus aussi meurtrier qu’Ebola, les organisations humanitaires font évidemment face à la peur. Peur d’être malade, peur de contaminer ses proches, mais aussi la peur des structures de soin elles-mêmes.
Anna Healsent, coordinatrice Urgence Ebola en Guinée de Médecins sans frontières, s’inquiète des obstacles qui se dressent dans la lutte contre la maladie. « Il y a encore des réticences dans beaucoup de zones sur la maladie, sur la vérité de la maladie. Il y a encore beaucoup de peurs. C’est très difficile d’arriver au point où tout le monde accepte qu’il y a des nécessités de faire certaines actions pour contrôler Ebola ».
Officiellement, le Liberia voisin est débarrassé du virus. En Guinée et en Sierra Leone en revanche, malgré l’incidence apparemment faible, il persiste. Il a même notamment gagné Boké, le poumon économique de la Guinée. Selon Sinan Khaddaj, secrétaire général de l’association française WAHA International, qui travaille à renforcer le système de santé guinéen, la situation est toujours dangereuse.
« Pour nous aujourd’hui, il faut plus d’efforts, mobiliser plus de ressources en renforçant les structures du système de santé. Il faut énormément de travail au niveau de l’hygiène, de la sanitation, un nouveau message et, surtout, ne pas baisser les bras. C’est comme une course, si on a pas passé les derniers mètres, on n’a rien fait. Avec l’arrivée de la saison des pluies, on risque de se retrouver au mois d’octobre dans une situation catastrophique et que l’histoire se répète. »
Selon l’OMS, 27 237 cas d’Ebola ont été recensés depuis mars 2014, et plus de 11 000 personnes en sont mortes.
L’exemple du Liberia
Au Liberia voisin, pourtant, Ebola a été vaincu et le pays a été déclaré libéré du virus le 9 mai dernier. Le professeur Jean-François Delfraissy, coordinateur Ebola pour la France et l’Afrique, directeur de l’Institut de microbiologie et des maladies infectieuses à l’Inserm, explique les raisons de ce succès. Pour lui, il y a trois élements essentiels à prendre en compte :
« La première raison, c’est qu’il y a eu une restriction des voyages par les militaires. Il y avait une présence forte de l’armée américaine qui était là pour autre chose, mais qui a joué un rôle, y compris avec une utilisation de l’armée de Liberia. Donc, quelque chose d’assez coercitif finalement. Mais en même temps en s’appuyant beaucoup sur les communautés. Et le troisième élément d’explication, c’est que ça a touché d’emblée la capitale, la zone urbaine, donc ils se sont tous retrouvés avec une très grande peur », analyse le chercheur.
Pour Jean-François Delfraissy, la question de l’émergence du virus dans une zone urbaine est importante, notamment en comparaison du cas guinéen. « Et pour la Guinée, n’oublions pas que ça a touché d’abord la Guinée forestière, et la Guinée forestière par rapport à la Guinée Conakry, c’est un autre monde. C’est à deux jours de route puis c’est des pays fondamentalement différents en termes culturels. Donc, voilà les trois explications, et puis il y a probablement une organisation peut-être encore plus fine au Liberia qu’il peut y avoir en Guinée et au Sierra Leone. Et encore, c’est difficile de dire ça », conclut-il.
RFI